La semaine dernière, et pour la onzième fois depuis le début de son mandat1, le gouvernement Borne a enclenché la procédure dite du 49.3 afin que le projet de réforme des retraites soit adopté à l’Assemblée nationale. En plein contexte de crise politique, cette mesure a révolté une partie de la population et l’on entend que nous ne sommes plus en démocratie.

Loin de moi l’idée de défendre cette absurde procédure, mais ces remarques m’ont fait questionner notre rapport à la notion de démocratie dans la Cinquième République. Peut-on dire que le 49.3 n’est pas démocratique et remet-il en cause la souveraineté2 du gouvernement qui l’utilise ? En l’honneur d’un certain texte, je propose trois critères pour en décider, Légalité, Usage et Légitimité.

  • La légalité objective du texte n’est plus à prouver, étant inscrit dans la Constitution depuis sa naissance3 et ayant peu changé depuis lors. Son principe s’inscrit dans une démocratie où la gouvernance présidentielle s’oppose aux représentants legislatifs français et engage donc constamment sa responsabilité dans l’exercice de sa mission.
  • L’usage subjectif de l’article est par contre plus douteux, car lié aux pouvoirs de dissolution du président et au jeu politique, il crée alors une tension dangereuse entre la chambre basse et l’Élysée où les uns peuvent perdre leur place et l’autre risquer sa gouvernance, rendant un statu quo préférable à la censure du gouvernement.
  • La légitimité du texte, enfin, est remise en question depuis longtemps4 et nombre de Français, dont je fais partie, expriment aujourd’hui leur rejet de cet outil constitutionnel, considérant qu’il sert à couper court aux débats et à imposer des lois controversées au Parlement.5

Partant de cela, un texte théoriquement démocratique (légalité) peut, confronté au réel (usage), remettre en cause la souveraineté (légitimité) d’une instution.
Le 49.3 est alors un outil théoriquement démocratique, dans le sens où il s’inscrit dans un ensemble de procédure visant à construire une forme de démocratie semi-présidentielle, mais qui en pratique est détourné pour l’exercice d’un pouvoir totalitarisant.

Addendum

Un exemple arrivera en appendix du billet, le texte étant déjà long. En ce moment, je suis en pleine lecture Du contrat social de Rousseau, ce qui explique l’article je pense, je vais sans doute détourner un des passage pour former un exemple.


  1. Derrière le gouvernement Rocard en nombres de déclenchement, mais on ne manquera pas de noter l’étrange propension des sociaux-démocrates, puisqu’elle s’en réclamait indirectement il y a deux ans, à user pour ne pas dire abuser de cette procédure. ↩︎

  2. Dans son sens construit sur le contrat social, c’est-à-dire en autorité représentante du Corps Social ↩︎

  3. Article 49 ↩︎

  4. “Le présidentialisme en accusation”, Henri Caillavet ↩︎

  5. Sur la question de la légitimité contre la légalité, je renvoie à l’article de Gérard Bras La foule contre le peuple↩︎