Demain devrait être présenté au Conseil des Ministres le projet de loi “Plein Emploi”, visant notamment à regrouper les inscrits au Pole Emploi et les allocataires du revenu de solidarité active (RSA), au sein d’une nouvelle institution, France Travail1. Dans ce projet de loi, on trouve notamment un point clé de la stratégie de relance du gouvernement : l’adjonction de quinze à vingt heures hebdomadaires et obligatoires d’activités d’insertion et de formation à l’allocation du RSA2.
Ce dernier point nous prouve encore une fois que l’objectif d’Emmanuel Macron et de son gouvernement est de contrôler au maximum les plus démunis, sous prétexte de rendre justice aux travailleurs contre ceux qui “ne travaillent jamais”3. Évidemment, ces heures s’accompagnent de nouvelles sanctions, de nouvelles suspension de versement, au cas où l’allocataire aurait le malheur de ne pas pouvoir venir. Car c’est bien connu, les personnes touchant le RSA sont tous de grands vacanciers, lézardant tranquillement dans les calanques, aux frais des honnêtes travailleurs, tout en touchant deux fois moins que le seuil de pauvreté en France4. La pauvreté, c’est le luxe.
Ces heures nous sont présentées comme permettant un meilleur accompagnement des allocataires et une réinsertion facilitée dans le milieu du travail, mais quelles formes prendront-elles ? Dans un flou caractéristique, on évoque des “modules” sur la création d’entreprise, l’évaluation de compétences ou encore la découverte de métiers2. Bref, on dit tout et pas grand chose, surtout pour un projet de loi qui se garde bien d’évoquer officiellement ses modalités finales. Verra-t-on un jour l’arrivée en France d’allocataires employés à mi-temps, obligés de travailler juste pour espérer garder leur RSA, sans pouvoir cotiser ou toucher de compensations, travaillant pour moins que le SMIC horaire ?
Il faut espérer que non, pour que ce revenu reste solidaire, car il va falloir financer ces heures, tout ce suivi, 2.3 à 2.7 milliards d’euros de 2024 à 2026, selon un rapport du haut-commissaire à l’emploi5. Une dépense bien utile en ces temps de crise ; réprimer la fraude sociale, voilà une utilisation prioritaire de l’argent public. Vers qui se tourner alors pour couvrir ces dépenses ? Pour assurer la réalisation de ces “modules” ? Le secteur privé serait sans doute ravi d’aider la France à réussir le projet “Plein Emploi”, enfin sous ses conditions évidemment. À moins que l’État ne compte sur l’inévitable fuite des allocataires, devant une aide toujours plus contraignante..
Il y a 3 ans, l’Union Européenne adoptait un texte “[condamnant] la pratique des stages et apprentissages non rémunérés, qui constitue une forme d’exploitation du travail des jeunes et une violation de leurs droits”6, ne perdons alors pas cet esprit et condamnont ceux qui veulent instaurer l’apprentissage, et peut être le travail, non rémunéré pour les allocataires. Mais après tout, pour Macron, il faut “libérer par le travail”7. Triste déjà-vu…
Addendum
L’édition de Libération du 24 mai 2023 va plus loin sur les détails de cette réforme et sur les expérimentations actuellement réalisées dans certains départements. Je ne peux que vous conseiller de vous procurer un exemplaire de cette édition, avec notamment trois entretiens d’allocataires au RSA, révélateurs des différents profils concernés cette réforme.
“Réforme du RSA : le gouvernement pose ses conditions”, Anne-Sophie Lechevallier et Frantz Durupt ↩︎ ↩︎
D’autre part, pour mettre en œuvre les mesures de ce plan et atteindre les résultats escomptés par les différents acteurs concernés, qui implique de mobiliser de l’ordre de 2,3 à 2,7 milliards d’euros de financements cumulés sur la période 2024-2026, compte tenu de la montée en charge progressive et des moyens existants.
, “Mission de préfiguration France Travail, Rapport de synthèse de la concertation”, Haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises ↩︎La garantie pour la jeunesse. Texte important d’ailleurs, la précarité étudiante et des jeunes de manière générale n’est que trop reléguée. On ne peut que rêver du jour où les moins de 25 ans pourront accéder à un revenu de vie minimum. ↩︎
“Libérer par le travail, c’est permettre que le travail paye mieux.” ↩︎