Récemment, j’ai revu Se7en1 et fini Sacred and Terrible Air2 et Tokyo Ghoul3 (en anime), trois œuvres qui, coïncidentalement, évoquent, à mon sens et à diverses échelles, la même philosophie : le nihilisme.

Si je veux être plus vrai, Seven1 n’en parle pas directement, son discours s’articulant surtout autour de l’apathie du monde moderne et plus précisément en ville. Mais là où d’autres films auraient, au travers de David Mills4, le jeune inspecteur plein d’idéaux, redonné un souffle d’espoir, le film de David Fincher5 ne se permet pas cet écart : la traque ne peut qu’échouer et le tueur se livrera seul à la police. Celui-ci pourra achever son œuvre, condamnant alors le monde. Sous un ironique soleil, surgissant après 1 h 30 de pluies incessantes, nul n’échappe à la cruauté finale, ni l’idéaliste, incapable de sauver quiconque, lui compris, ni le fanatique, coupable du vice dont il accuse ses victimes. Une seule révolte permise : se battre pour le monde tout en reconnaissant sa laideur.

Sacred and Terrible Air2 lui est plus direct dans son approche, puisque les aspects métaphysiques, philosophiques et politiques du nihilisme s’entremêlent et se répondent, un discours matérialisé par le pâle, ce passé concentré au cœur du livre, dévorant inlassablement Elysium6, en fil rouge constant de l’enquête centrale. Là encore, point d’échappatoire, peu importe l’espoir que chacun porte dans sa quête, aucune ne peut réussir et tous sont condamnés à l’oubli. Le monde ne sera pas sauvé. Terrible destin, qui, je dois l’avouer, s’explique avant tout car le livre fut conçu à l’origine comme le prologue d’une série de nouvelles, pour l’instant abandonnée.

Tokyo Ghoul3 compose enfin le nihilisme en cœur idéologique de son antagoniste final tout en érigeant son protagoniste comme antithèse. Mais à la différence des deux autres œuvres, la fin elle se place dans la lignée des happy ends, celui pour qui le monde n’est qu’un terrain de jeu, ne pouvant voir de la bonté dans un lieu où règne l’injustice, ne peut gagner. Kaneki Ken, héros de l’œuvre, considère que ce sont ces épreuves et cette injustice qui l’ont forgé et que malgré la futilité du monde, il ne peut cesser son combat. Pour donner un sens à sa vie ou simplement rester vrai à lui-même ?


  1. Se7en, aussi titré Seven, David Fincher, 1995 ↩︎ ↩︎

  2. Sacred and Terrible Air (Püha ja õudne lõhn), Robert Kurvitz, 2013, dont aucune traduction officielle n’est encore sortie. Traduction non-officielle ↩︎ ↩︎

  3. Tokyo Ghoul, studio Pierrot, adaptation du manga éponyme de Sui Ishida ↩︎ ↩︎

  4. Dont le rôle est tenu par Brad Pitt ↩︎

  5. Qui réalisera 12 ans plus tard Zodiac, abordant aussi la thématique des tueurs en série et de la traque futile, sous un angle plus biographique ↩︎

  6. L’univers du livre. J’en profite d’ailleurs pour recommander Disco Elysium, ZA/UM, 2019, dont le scénariste et designer en chef n’est autre que Robert Kurvitz ↩︎